Les restanques méritent le respect
Les paysans sont confrontés à un paradoxe, celui de ne pas abimer leur terre et l’envie d’étudier ses entrailles pour mieux la connaître. Récemment, lors de la construction d’une piscine à la frontière de Puyvert et de Lourmarin, un trou est apparu, creusé au milieu d’une petite restanque. Des bords nets, une exécution parfaite, une béance hypnotique dont on ne voyait pas le fond à moins de se placer au bord. La curiosité m’a attiré. Car le paradoxe est là, même si on pense bien connaitre la terre que l’on cultive, même si les cartes géologiques indiquent la nature de la roche mère, on ne sait lire complètement le sol qu’en l’éventrant. En me penchant, j’ai tout de suite compris que celui-ci n’était pas le fait d’une lente évolution naturelle. Le profil révélait une couche de belle terre fine, noire, homogène, sur 1,50 m de profondeur, posée sur un lit très régulier de petites pierres d’une trentaine de centimètres d’épaisseur. Cette couche lithique était de toute évidence là pour drainer l’épaisseur cultivable. Un témoignage du savoir-faire et du travail des anciens qui ont façonné, à coup de houes, de pelles et de tours de tombereaux, ces restanques si caractéristiques de notre paysage luberonnais.
Au départ restanque était un terme dédié au mur de pierre sèche barrant un écoulement d’eau. Il qualifie aujourd’hui à la fois les murets de soutènement des terrasses cultivables (bancau en provençal) et les terrasses elles-mêmes. « L’aménagement de ces ouvrages résulte à la fois de savoir-faire acquis empiriquement au fil des générations et de lourds et nombreux travaux visant à augmenter les surfaces utiles et à limiter les effets de l’érosion : terrasser le versant, défoncer le sol (le remuer à une profondeur plus grande que celle des labours ordinaires), épierrer, aplanir la surface des planches, construire un mur de soutènement. Ces travaux ont été remaniés plusieurs fois, en lien direct avec les fluctuations démographiques. (1) »
Construites à une période (XVIIIe) où la pression démographique nécessitait de conquérir de nouveaux espaces cultivables, les restanques restent un élément indissociable de notre paysage, parties intégrantes du patrimoine. Le courant actuel de micro-agriculture fait renaître un intérêt croissant pour ces espaces restreints parfois difficiles d’accès. Grâce à un outillage léger et des techniques de cultures respectueuses de l’environnement, la micro-agriculture permet de remettre en valeurs les bancaus, tout en respectant la biodiversité. Réserves foncières pour la production de proximité, les restanques et leurs murs ancestraux en pierres sèches, drainent les eaux, réagissent avec souplesse aux pressions, restituent la chaleur. Elles accueillent une flore et une faune diversifiées. Faisant partie des patrimoines naturels et culturels, elles participent à l’attrait touristique de notre paysage, à la prévention incendie et des inondations, bref au maintien du cadre de vie.
A l’époque de la sobriété énergétique, l’entretien des murs de pierres sèches présente un bilan carbone plus positif que celui de la construction de murs de béton. Mieux, dans le temps, l’utilisation de pierres locales pour de nouveaux murs s’avère plus économe en carbone, même si le coût de construction est aujourd’hui élevé. On peut donc déplorer les détériorations des restanques faute d’entretien voire leur destruction volontaire. Certaines communes considèrent leur importance et ont pris dans leurs documents d’urbanisme des mesures de protection, des dispositions obligeant à les conserver lors d’aménagements ou de constructions.
(1) Les Restanques. Guide des bonnes pratiques pour la préservation des paysages de restanques. Parc Naturel Régional des Préalpes d’Azur
https://www.doc-developpement-durable.org/file/Construction-Maisons_et_routes/Constructions-en-pierres-seches/guide_restanques2012.pdf
Un Congrès International de la Pierres Sèche organisé par Opus aura lieu en octobre 2023
Association Opus
4 quai Lices Berthelot, 84800 L’Isle-sur-la-Sorgue
https://opus.cpie84.org/fr/
Chantiers bénévoles
CORAC (Commission Régionale des Associations de Chantiers)
4 quai Lices Berthelot, 84800 L’Isle-sur-la-Sorgue
https://www.corac.fr/
Fédération Française des Professionnels de la Pierre Sèche : https://www.professionnels-pierre-seche.com/
Dans la Provence d’aujourd’hui dimanche, en page 5 un article sur «la pierre sèche, une histoire et un savoir-faire à préserver».
Il annonce un congrès à Goult du 2 au 6 octobre 2023 : la 18e édition du congrès international sur la pierre sèche. Il sera organisé par la Société scientifique internationale pour l’étude pluridisciplinaire de la pierre sèche.